Si nous pensons aux exploits qui ont marqué le 20e siècle, nous viennent à l’esprit des noms comme Armstrong, Aldrin et Collins, acteurs d’un défi que l’on peut toujours considérer comme poétique: atteindre la lune…


Il nous arrive aussi celui de Carl Sagan, parce qu’il n’a pas seulement participé de manière active au projet Apolo 11 mais aussi à Mariner 9 qui prévoyait une mise en orbite autour de Mars. Cette mission a permis de déduire qu’à une époque la planète aurait pu supporter la vie.


Nous nous rappelons également ses liens avec les projets Pionner et Voyager, sondes qui, après avoir exploré les planètes les plus éloignées du système solaire, devaient voyager indéfiniment dans l’univers transportant un disque d’or qui contenait des renseignements sur la vie sur Terre.


Nous ne devons pas oublier non plus que c’est parce que Sagan a insisté que la sonde Voyager a pris en photo la Terre depuis les confins de la Galaxie. Un homme de science à l’esprit ouvert, fasciné par les étoiles et par le mystère de la vie.


Ce siècle de controverses nous a toujours montré l’Homme les pieds sur terre et les yeux tournés vers le cosmos.


Depuis le début du 21e siècle, il apparaît que l’homme a besoin de poser un regard rétrospectif sur ses origines, il redevient alors plus tellurique et soucieux de son propre habitat. L’analyse de son attitude envers le Globe comme seigneur d’un pôle à l’autre, lui fait prendre conscience de sa propre immersion dans un écosystème appauvri et bafoué par lui et par ses ambitions de pouvoir et de possession démesurées. Puis, faisant sien le postulat d’Albert Einstein : « que tout effet a une cause », il bat sa coulpe, assoiffé d’eau cristalline et réconfortante. En tentant désespérément de rendre à la nature l’équilibre qu’il lui a usurpé, il conclut que prendre parti pour la préservation de cet élément premier qu’est l’eau, dont l’avenir sur la planète est actuellement incertain, c’est écouter l’appel de son propre instinct de conservation, vu à partir de cette vérité plus qu’éloquente : H2O constitue entre 70 et 80 p. cent de sa masse corporelle, de sa matière organique. H2O, essence même de la vie, disent les spécialistes.


Fleuve, raconte-moi, chante-moi, rends-moi la vie souhaite ajouter une vision artistique et poétique à toutes les démonstrations scientifiques, sociales, écologiques, environnementales, juridiques, actuelles qui semblent se concentrer sur cette question cruciale pour l’humanité tout entière qui l’incite à mettre le cap vers la réparation des dommages.


Fleuve, raconte-moi, chante-moi, rends-moi la vie est une histoire de fantaisie qui réinvente l’âge de ce continent, sa découverte, sa colonisation et sa vie qu’a inspiré à Adriana Ramponi de Buenos Aires la collection où François-Régis Fournier, artiste photographe de Montréal, se concentre sur l’eau sous toutes ses formes et dans tous ses états : nuage, goutte, pluie, brume, givre, neige, glace, dégel, arc-en-ciel, plaque, ruisseau, lac, chute, fleuve, mer, voire l’eau domestiquée par l’homme sous forme de digues, de barrages, de canaux ou adoptée par l’art en fontaines aux styles et aux allégories divers.


Ces images, il les a prises avec son « infime fenêtre sur le monde » tel qu’il appelle son appareil photo, dans chaque lieu, port ou région où il s’est arrêté pour observer et témoigner de l’eau liquide, de l’eau solide, de l’eau gaz, en remontant ce merveilleux fleuve Saint-Laurent aux multiples facettes, ce « grand chemin qui marche » comme on l’appelle au Québec. Ce fleuve Saint-Laurent qui d’après le texte de Pierre Morency …« est rythme majeur du paysage, lieu de liaison et d’aventure, canal immense, paradoxe de puissance et de vulnérabilité, route royale de toutes migrations, véhicule, réservoir de vie, maître des vents et des saisons. Veine capitale de la moitié d’un continent, il chante une grandiose ouverture sur la mer Atlantique. C’est le plus vieux fleuve du monde ».


C’est le Saint-Laurent qui coule sur 3300 km, nourri par des lacs démesurés et par 350 tributaires, dont certains sont, eux-mêmes perçus comme des fleuves.


Et lorsque Morency dit: « C’est le fleuve le plus vieux du monde » c’est parce qu’il occupe le lit des failles tectoniques et d’une fissure profonde entre les Laurentides du pré-cambrien et les Apalaches dont la genèse remonte également au Primaire. Une partie de ses côtes a mille huit cent millions d’années. Mais comme il doit sa forme au retrait de la Mer de Champlain survenu il y a moins de 10.000 ans, il est en quelque sorte un fleuve d'une jeunesse extrême et étonnante, avec des tronçons qui surpassent même le tourbillon et la vigueur des rapides. Vieux et jeune, sans âge, quel privilège !


Mais beaucoup plus proche de notre époque, et il y a déjà très très longtemps… en 1534, François 1er Roi de France, poussé par l’intérêt qui hanta quelques années auparavant les Rois Catholiques, d’entrevoir l’existence d’un autre passage vers l’Orient par la route du Sud et qui conduisit Juan Diaz de Solís à explorer le Río de la Plata en 1512, confia à Jacques Cartier de faire une expédition par une route du Nord qui conduirait à « certaines îles et certains pays où il devait y avoir  une grande quantité d’or et d’autres richesses » et qui deviendrait une nouvelle porte vers l’Orient, une porte qui lui appartiendrait, une porte gagnée pour sa couronne. Le 23 juillet 1534, Jacques Cartier plante un drapeau revendiquant ainsi pour la France, la Baie de Gaspé et la Baie des Chaleurs. En 1535, Cartier fait son deuxième voyage, s’aventure en  amont du fleuve et défiant les intempéries réussit à poser les fondements, là où plus tard seraient bâties les villes de Québec et de Montréal. Il rentre en France en 1536, convaincu qu’il avait parcouru la partie orientale de la côte asiatique, alors qu’il n’avait fait qu’ouvrir les portes pour que, quelques années plus tard, Champlain fonde Québec. Faisons appel à l’Histoire: 1536, et sous Charles 1er Roi d’Espagne, rival de François 1er Roi de France, les Espagnols commandés par Pedro de Mendoza maîtrisent les autochtones sur les côtes du Río de la Plata, là où Buenos Aires allait être fondée.


Des mers, de l’eau, des fleuves qui rapprochent la colonisation.


Des dates qui coïncident pour le Saint-Laurent et le Río de la Plata, des ambitions semblables pour le Roi de France et le Roi d’Espagne, des destinées voisines pour des navigateurs conquérants qui arrivent à ce continent bercés ou tourmentés par l’eau des océans et des mers, des sorts partagés pour des immigrants qui depuis lors s’aventurent à vivre une nouvelle culture à travers des fleuves d’immense largeur et inondés de significations.


Voilà ce dont il s’agit, de conjonction et de symbiose entre nos histoires et nos cultures américaines Nord /Sud, ou ce qui revient au même : Argentine / Canada deux pays polaires si éloignés et si proches à la fois.


Et partant d’une vue du Río de la Plata, ce fleuve « couleur de lion », cette « mer douce », pour  les porteños d’Argentine, l’un des deux pays, avec le Chili, les plus australs des Amériques, nous vous invitons à partager un voyage virtuel au Canada, afin de nous fondre dans une accolade transcontinentale, pour jouir à partir de l’extrémité la plus boréale de notre continent, tous ensemble, d’une vision ludique de cet hymne à la nature et à l’homme nouveau qui veut assister à la renaissance de sa mère Terre.


Allons-y!

1 - Récit
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Récit et poème d’Adriana Ramponi

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